Faute d'analyse systémique des impacts environnementaux et sanitaires de la production et de l'absorption de molécules de synthèse, ou de l'utilisation des métaux lourds, et des émissions polluantes de tous ordres, nous ne sommes qu'au début de constats fort inquiétants.
Par exemple, l'intrusion planétaire du plastic dans notre quotidien affecte gravement la faune et la flore des océans, ainsi que notre santé, comme nous le découvrons depuis peu, du fait de la composition moléculaire des plastics alimentaires (notamment l'utilisation de bisphénol A).
L'omniprésence de l'aluminium dans l'alimentation et les cosmétiques nous réserve certainement de très mauvaises surprises en termes de santé publique (recherches en cours sur son impact cérébral et la maladie d'Alzheimer).
Nous commençons seulement à découvrir les conséquences environnementales de la consommation de médicaments sur le cycle de l'eau potable, à constater l'effet de ceux que nous pensions être les plus anodins, sur la fertilité humaine.
C'est alors l'avenir de toute l'humanité qui pourrait en dépendre à brève échéance, si nous ne remédions pas rapidement à nos erreurs.
Des analyses portent sur de nombreux domaines : risques liés à l'énergie nucléaire, effets sanitaires des lignes à haute tension, des antennes de téléphonie mobile, de l'utilisation des téléphones mobiles et de la WiFi, de la consommation d'OGM (organismes génétiquement manipulés, dont la terminologie édulcorée en Organismes Génétiquement Modifiés, est source de confusions) ; conséquences environnementales de ces derniers sur la biodiversité et dépendance économique de leurs utilisateurs à l'égard des firmes détentrices des brevets de génie génétique. Etc.
Or les modalités et les résultats de ces analyses diffèrent généralement selon leurs origines (laboratoires indépendants ou chercheurs liés aux sociétés concernées) et les enjeux économiques en cause.
Cette tendance s’est aggravée avec l’intensification des délocalisations de la production par les investisseurs industriels, commerciaux et financiers vers ces territoires à bas coûts. Elle prétendent compenser l’augmentation du prix de l’énergie et des matières premières, en échappant au coût du travail dans les pays développés (coût pourtant normal, lié à leur niveau de développement socioéconomique), sans réduire leurs profits.
A moins que ce ne soit l’explosion de leurs profits grâce à la mondialisation qui ait accéléré ce mouvement, intensifiant non seulement la pollution liée à une production libre de contraintes environnementales dans les pays à bas coût, mais aussi celle générée par les transports de marchandises (transports routiers, aériens et maritimes), ainsi que par celle des passagers avec la mondialisation de l’industrie du tourisme.
Ce n’est pas sans raisons que la mondialisation commerciale et la globalisation financière ne se sont pas faites sous l’égide des Nations Unies, mais ont été orchestrées par l’OMC et le FMI, organisations beaucoup moins accessibles aux conditions sociales et environnementales d’une économie responsable pour un développement soutenable.
C’est certainement cette phase de financiarisation de l’économie qui a induit les plus grands bouleversements économiques, sociétaux et environnementaux à l’échelle de la planète.
Mais deux grandes lignes de faille divisent alors le monde :
La faille Est/Ouest s’élargit après la conférence de Yalta, et se radicalise ensuite avec le rideau de fer dressé entre le monde communiste et le monde capitaliste.
L’effondrement économique et idéologique de l’URSS, de la chute du mur de Berlin en 1989 à la dissolution officielle de l’union soviétique en décembre 1991, ne fait qu’entériner un long délitement et la faillite d’un système.
C’est à la même époque que le pouvoir chinois réprime dans le sang la révolte de la place Tian'anmen (printemps 1989), et que Deng Xiaoping (1), le principal responsable de cette répression, adopte le système économique capitaliste en lançant en 1991 son fameux slogan : « un pays, deux systèmes », réalisant par une torsion à 360° le point de soudure entre dictature communiste et économie ultra-libérale.
La faille Nord/Sud divise les pays pauvres du Sud, dont la plupart se libèrent peu à peu du joug colonial des pays riches du Nord, parmi lesquels les anciens colonisateurs voyant leurs empires coloniaux se désagréger. Une stabilité basée sur un profond déséquilibre des forces entre colonisateurs et colonisés prend fin, notamment avec le soutient apporté aux mouvements indépendantistes par le monde communiste.
Les guerres perdues dans les années 60 et 70 par les Européens et les Américains (Algérie, Vietnam) marquèrent la fin d’un ordre mondial passé, qui avait atteint son apogée au XIXe siècle, sur lequel les pays industrialisés avaient largement fondé leur essor.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la structuration de l’ONU par grands programmes (sécurité, santé, développement, industrie, etc.) répondaient à un idéal universaliste et humaniste de progrès socioéconomique et de démocratie.
Le pouvoir et les intérêts des plus grandes compagnies pétrolières occidentales, avec à leur tête le cartel des 7 sœurs (USA & Grande Bretagne), se conjuguent avec le pouvoir politique atlantiste.
Ceux des compagnies françaises en Afrique s’inscrivent dans le cadre de la trop fameuse politique post-coloniale dite de la Françafrique.
Toutes tentent de façonner la planète pétrole à leur avantage par tous les moyens, y compris les pires, avec les conséquences que l’on sait : corruption massive, soutien de régimes autoritaires et de dictatures, conflits du Moyen Orient, guerres du Golfe, etc.
Mais cette Realpolitik aux intérêts extrêmement discutables, retarde considérablement la recherche et le développement d’énergies renouvelables propres, comme le développement de modèles économiques moins consommateurs d’énergie et, par ailleurs, l’avancée de la démocratie dans le monde.
Or, la pétrochimie doit son essor croissant à l’enracinement du modèle économique productiviste et consumériste dans l’agrochimie et l'industrie chimique, qui affectent toujours plus l’environnement : empoisonnement des sols, des nappes phréatiques, des rivières et des océans, pollution atmosphérique et aggravation de l’effet de serre.
(1) Chine : « 1 pays, 2 systèmes » au lendemain de la répression de la révolte de la place Tian'anmen.
Ces dégâts environnementaux se doublent des conséquences sociétales de l’exploitation humaine dans les pays dits en développement (PED) et les pays désormais émergeants (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud), faussant largement l’analyse optimiste de leur miracle économique et de leur développement social, sur fond de croissance exemplaire. Par effet boomerang, cette situation contribue à désagréger le système social des pays développés.
Qu’elles soient dues à l’ignorance, à l’obstination ou à la cupidité,
les catastrophes écologiques et sanitaires qui ont été nombreuses dans le passé sont malheureusement plus que jamais d’actualité.
Car un virage vital n’a pas été pris : celui d’un mode de
développement humain et d’un monde plus fraternel, prônés
en 1948 par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
C’est malheureusement ce modèle productiviste et consumériste hyper énergivore et polluant qui est progressivement adopté par les pays à bas coût de production, ayant le moins les moyens d’assumer les conséquences humaines et environnementales de ses effets secondaires.
Durant la période charnière des années 70 et leurs deux grands chocs pétroliers, c’est le modèle productiviste des pays industrialisés, dont la prospérité dépendait excessivement des énergies fossiles (charbon, gaz et surtout pétrole), qui se trouva ébranlé. L’affirmation de son pouvoir politico-économique par l’OPEP aboutit à une forte augmentation du coût de l’énergie.
Alors qu’il s’agit précisément d’une carence persistante de l’Union Européenne, de n'avoir toujours pas construit à ce jour une Europe Sociale…
* Une analyse plus approfondie de la mondialisation est disponible sur le site du programme France Durable.
Viser une généralisation de la qualité sociale et environnementale à l’échelle mondiale ?
Lutter activement contre la corruption et l'évasion fiscale ?
Et, comme Joseph STIGLITZ, donner la priorité aux politiques publiques d'investissement à long terme (infrastructures, éducation, santé, R&D, etc.) ?
Afin de tirer vers le haut la qualité sociétale et environnementale, et le développement socioéconomique en tout lieu.
Le recul de la réglementation nationale et communautaire, voulu par les marchés ?
C’est-à-dire renoncer à la protection environnementale sur le territoire européen ?
Renoncer aux systèmes de protection sociale et au droit du travail ?
Mais si le monde prend alors conscience que les énergies fossiles ne sont pas inépuisables, ni leurs conséquences environnementales, ni celles du modèle industriel et de consommation galopante, pas plus que les Droits de l’Homme, ne sont encore à l’ordre du jour.
Les trois décennies qui suivirent la Seconde Guerre Mondiale furent en Europe celles de la reconstruction des infrastructures détruites et, partout dans le monde industrialisé, une ère de développement industriel et de prospérité socioéconomique.
La crise économique et financière actuelle marque-t-elle la fin d’un système économique, social, voire politique, parvenu au bout de sa logique ? La nostalgie d’une prospérité passée fait-elle sens ? Sachant que le passé ne fut pas radieux pour tous, ni partout…